Lettre ouverte – Vancouver
Monsieur le Maire Sim,
Je vous écris pour vous faire part de mes vives inquiétudes concernant le projet, rapporté par les médias, d’accélérer le démantèlement du campement de la rue East Hastings. Ce processus n’est pas conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne et je vous demande instamment, ainsi qu’au conseil municipal, d’explorer d’autres solutions, tout en veillant à établir un dialogue constructif avec les résidents des campements. Ce faisant, je demande instamment au conseil municipal de faire respecter les droits inhérents des Autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).
Je souhaite attirer votre attention sur les obligations de la ville en matière de respect, de protection et de mise en œuvre des droits de la personne des résidents des campements. La Loi sur la stratégie nationale du logement (2019) reconnaît que le logement est un droit humain fondamental et qu’il est essentiel à la dignité inhérente et au bien-être des personnes. Je tiens à souligner que toutes les municipalités canadiennes ont la responsabilité de faire respecter les droits de la personne des personnes vivant dans des campements.
La loi a également créé le mandat de la défenseure fédérale du logement, qui doit notamment veiller au respect du droit à un logement convenable au Canada et examiner les problèmes systémiques liés au logement.
En août dernier, j’ai envoyé une lettre à votre prédécesseur, le maire Stewart, pour lui faire part de mes préoccupations concernant les rapports sur les activités de retrait des campements dans la rue East Hastings, qui comprenaient une forte présence policière. Après ma visite à Vancouver à la fin du mois d’août, j’ai rencontré le maire Stewart le 16 septembre pour discuter des obligations de la ville en matière de droits de la personne à l’égard des résidents des campements, ainsi que des défis et des réussites de la ville dans l’équilibre de ses responsabilités en matière de sécurité des personnes. Je constate que l’approche décrite dans les documents qui ont fait l’objet d’une fuite le 3 avril s’écarte des politiques antérieures de concertation avec les résidents des campements et de collaboration d’égal à égal avec les organisations communautaires.
Le 23 février, j’ai lancé une étude nationale sur les campements de personnes en situation d’itinérance. Cette étude offre un cadre permettant aux résidents des campements, aux défenseurs des droits de la personne et à tous les paliers de gouvernement de partager leurs points de vue et de travailler ensemble à l’élaboration de recommandations visant à garantir la promotion et la protection des droits de la personne des habitants des campements. L’étude repose sur l’hypothèse que tous les paliers de gouvernement ont un rôle à jouer dans la recherche de solutions et la mobilisation des ressources nécessaires. L’examen sera également l’occasion de promouvoir l’application des principes des droits de la personne contenus dans le Protocole national pour les campements de sans-abri au CanadaNote de bas de page 1.
Je crains que l’approche proposée dans le dernier plan de Vancouver pour intensifier le retrait des campements de la rue East Hastings ne risque d’aggraver la situation. Je note que le droit international en matière de droits de la personne stipule clairement que les expulsions forcées de campements, y compris le fait de forcer des personnes à quitter un campement pour un refuge, un logement pour personne seule ou un logement « de soutien » qui n’est pas adéquat constituent une violation des droits de la personne, y compris des droits des Autochtones selon la D NUDPA. Je suis également préoccupée par la proposition de créer des « zones de travail » qui empêcheraient les résidents d’accéder aux services et les observateurs légaux d’assister aux activités de démantèlement.
En raison de ce que j’ai appris pendant et après ma visite à Vancouver en août 2022, je vous demande, ainsi qu’au conseil municipal :
- De cesser immédiatement l’expulsion forcée des résidents des campements;
- D’adopter une approche fondée sur les droits de la personne pour gérer les campements, en s’inspirant du protocole national de l’ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies;
- D’entreprendre un processus significatif de dialogue avec les résidents du campement, les organisations communautaires et les intervenants avant d’adopter toute décision les concernant;
- De fournir aux résidents des campements un accès aux services de base tels que l’eau potable, les installations sanitaires, l’électricité et le chauffage;
- Cesser de compter sur l’intervention policière comme principale réponse aux campements.
Je reconnais que les campements de personnes en situation d’itinérance posent de nombreux problèmes complexes aux municipalités. Les solutions exigent que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent avec les municipalités et leur fournissent des ressources afin que le logement soit abordable, accessible et adapté à chacun. L’adoption d’une approche fondée sur les droits de la personne constitue la meilleure feuille de route pour trouver des solutions durables tout en respectant la dignité humaine des personnes sans domicile. D’ici là, je vous encourage, membres du conseil et employés de la ville, à prendre connaissance du protocole national et à en appliquer les principes dans vos rapports avec les campements de personnes en situation d’itinérance.
J’aimerais avoir l’occasion de poursuivre le dialogue et d’examiner comment mon bureau et l’examen en cours peuvent contribuer à la mise en œuvre par la ville de Vancouver d’une approche des campements fondée sur les droits de la personne.
Sincères salutations,
Marie-Josée Houle
Défenseure fédérale du logement
c.c.: Rebecca Bligh, conseillère municipale
Christine Boyle, conseillère municipale
Adriane Carr, conseillère municipale
Lisa Dominato, conseillère municipale
Pete Fry, conseiller municipal
Sarah Kirby-Yung, conseillère municipale
Mike Klassen, conseiller municipal
Peter Meiszner, conseiller municipal
Brian Montague, conseiller municipal
Lenny Zhou, conseiller municipal
Paul Mochrie, directeur municipal
David Eby, premier ministre
Province de la Colombie-Britannique
Ravi Kahlon, ministre du Logement
Province de la Colombie-Britannique
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